MADAGASCAR: UN FILM POUR RACONTER LES MASSACRES DE 1976 CONTRE DES COMORIENS à MAJUNGA

Alors que Madagascar a tout fait pour oublier cet épisode sombre de son histoire, le cinéma vient l’inhumer : dans Zanatany, l’empreinte des linceuls esseulés, la réalisatrice Hachimiya Ahamada revient sur le massacre de Comoriens perpétré en décembre 1976, dans la ville côtière de Majunga. Le court-métrage, entièrement tourné sur l’île, parcourt depuis le début de l’année les festivals internationaux et a été projeté pour la première fois devant un public malgache à l’Alliance française de Majunga.

Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud

Avec beaucoup de sobriété et d’infinies précautions, c’est comme un voile qui se lève sur une tragédie méconnue. Avec sa fiction tirée de faits réels, Hachimiya Ahamada raconte la montée progressive de tensions dans une ville de Majunga qui subit de plein fouet la crise sociale et politique de 1976. Un épisode noir et tabou de l’histoire contemporaine malgache.

« Ali qui est le personnage principal de mon film - un Comorien veuf qui élève seul ses deux filles -, est témoin d’une discorde de voisinage entre deux familles de son quartier : l’une malgache et l’autre comorienne, raconte la metteuse en scène. Et cette dispute peut être l’étincelle de ce qui a provoqué l’exécution de plusieurs familles comoriennes à Majunga. »

En quelques jours, l’entente fraternelle existant depuis plus de trois générations explose.

Dans une scène, un groupe de grévistes scande devant l’atelier où travaille Ali : « Tous unis, tous unis, le travail aux Malgaches ! Le travail aux Malgaches ! » « Les Malgaches sont en minorité désormais dans cet atelier ! Vous trouvez ça normal ? On sait bien que vous et les autres [Comoriens], vous êtes mieux payés que nous », tance le meneur de grève. « Ce n’est pas vrai ! Les travailleurs comoriens en-dessous du salaire du salaire minimum. Ils ont accepté des salaires inférieurs aux vôtres. Ce sont eux qui devraient faire la grève à votre place », s’énerve Ali.

Aujourd'hui, les sources sont divergentes : on estime entre 500 à 2 000 Comoriens qui ont péri, au cours de trois jours de pogrom. Environ 16 000 Comoriens vont être évacués à la hâte en l’espace d’un mois par la compagnie nationale belge de l’époque, la Sabena.

Pour la réalisatrice et scénariste, la première à raconter ces événements de manière cinématographique, il fallait ouvrir la voie : « C'est encore très sensible de parler de ça. Il y a des personnes qui ne connaissent pas cette histoire. Plus que dévoiler, c'est aussi la faire partager pour que d'autres puissent raconter, pour les choses s’éclaircissent sur ce qui s’est passé là-bas. Les personnes vieillissent et le temps nous est compté. Il faut des historiens qui prennent le temps de trouver des archives, de rassembler les témoignages, des éléments pour avoir la vérité. »

Une fiction toute en pudeur, pour raconter, sans parti-pris, une histoire malgache.

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